Le temps est-il venu d’élaborer votre politique de capitalisation?
Par Shawn Wilcox
Perspectives – Mars 2021
Toutes les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position officielle d’une agence, d’une organisation, d’un promoteur de régime ou d’une entreprise.
« Atypique », « jamais vu » et « sans précédent » sont des termes qui ont été utilisés abondamment pour décrire la dernière année. Et avec raison : ces termes s’appliquent bel et bien à l’année 2020 pour bon nombre de personnes partout dans le monde qui ont dû composer avec les répercussions sociales et économiques de la COVID-19. Sur le plan des affaires, la pandémie a perturbé les marchés financiers à l’échelle mondiale, ce qui a entraîné une volatilité importante des niveaux de capitalisation de nombreux régimes de retraite à prestations déterminées et nous a rappelé le risque de capitalisation inhérent que représente ce type de régime. En ce qui a trait aux régimes de retraite à employeur unique, le risque est assumé par les employeurs qui agissent comme promoteurs du régime, car en général il leur incombe de financer les déficits. Qui plus est, les perturbations continues des opérations quotidiennes ont eu une incidence sur les flux de trésorerie de nombreux promoteurs de régimes, lesquels ont subi encore plus de pression quant à l’atteinte de leurs obligations en matière de capitalisation. Même s’il semble que la vaccination nous permettra de nous sortir de cette impasse et donnera un nouveau souffle à la population et aux économies mondiales, le risque et l’incertitude demeurent présents. Et la meilleure façon de gérer les risques consiste à se doter d’une feuille de route bien planifiée.
En fait, de plus en plus de juridictions canadiennes exigent désormais que les promoteurs de régimes à prestations déterminées se dotent d’une politique de capitalisation officielle sur laquelle ils peuvent fonder leurs décisions en matière de capitalisation et gérer les risques, et ce, pour veiller à ce que les participants obtiennent les rentes qui leur ont été promises. Bien que l’Ontario soit l’une des juridictions qui ont récemment adopté une telle exigence, la loi ne sera pas proclamée en vigueur tant que les règlements qui viennent préciser le contenu requis n’auront pas été publiés. Nous savons que les règlements finiront par être publiés. Et lorsqu’ils le seront, vous devrez déposer votre politique de capitalisation auprès de l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers (ARSF).
Quels éléments doivent figurer dans votre politique de capitalisation?
Une politique de capitalisation constitue un morceau du casse-tête. La politique de capitalisation, lorsque combinée aux autres politiques établies à l’égard de votre régime de retraite, constitue la fondation sur laquelle s’appuie la structure et les processus de gouvernance, qui permettent de bien planifier les opérations et de protéger les rentes des participants au régime.
La politique de capitalisation permet une accumulation ordonnée des actifs de la caisse de retraite afin d’assurer le paiement de toutes les rentes ainsi que des dépenses connexes. Cette politique est, par conséquent, étroitement liée à de nombreuses autres politiques du régime de retraite, notamment la politique de prestations, celle des dépenses et la plus importante, la politique de placement. Votre politique de capitalisation, qui a une incidence sur le montant et le versement de vos cotisations, et votre politique de placement, qui vient préciser la manière dont les cotisations seront investies et les perspectives de rendement de la caisse de retraite, doivent aller de pair pour que les participants obtiennent la rente qui leur a été promise.
Votre politique de capitalisation doit stipuler clairement vos objectifs en matière de capitalisation et établir des directives qui orientent vos décisions liées au financement, dans les bons comme dans les mauvais moments. Votre politique de capitalisation doit également établir un cadre de gestion des risques pour vous aider à assurer un suivi des risques auxquels votre régime fait face et à gérer ces risques. Le niveau de prudence d’une politique de capitalisation a un effet direct sur le montant et le versement des cotisations, le niveau de dépendance du régime à la solidité financière du promoteur de régime et, en bout de piste, sur la sécurité des rentes des participants. Une fois mise en œuvre, votre politique de capitalisation devrait être revue à intervalles réguliers et mise à jour au besoin, car vous devez vous assurer qu’elle soit toujours efficace et qu’elle continue de répondre à vos objectifs en matière de capitalisation.
Chaque régime de retraite est différent. Les composantes de votre politique de capitalisation doivent donc refléter les circonstances particulières de votre régime. Voici les composantes habituelles d’une politique de capitalisation :
- résumer les caractéristiques du régime qui ont une incidence sur la capitalisation;
- décrire les caractéristiques du promoteur de régime ou du secteur au sein duquel le promoteur de régime exerce ses activités qui pourraient être pertinentes pour la capitalisation;
- expliquer les différents rôles du promoteur de régime et de l’administrateur du régime en matière de capitalisation;
- consigner les objectifs du promoteur de régime en matière de capitalisation et les ratios de capitalisation visés;
- donner des précisions sur l’approche du promoteur de régime quant au financement des déficits et sur ses intentions quant à l’utilisation des surplus;
- relever les principaux risques auxquels le régime de retraite fait face, le niveau de tolérance envers ces risques et les outils à la disposition du promoteur de régime pour assurer un suivi des risques et les gérer;
- donner des directives pour le choix des hypothèses et des méthodes actuarielles, ainsi que pour la fréquence des évaluations actuarielles; et
- assurer l’examen et la mise à jour de la politique de capitalisation comme telle.
Quels avantages peut-on tirer d’une politique de capitalisation?
En termes clairs, une politique de capitalisation fait partie intégrante de la saine gouvernance d’un régime de retraite. Une politique de capitalisation étoffée fait en sorte que les objectifs en matière de capitalisation sont clairs pour tous les intervenants. De plus, une telle politique favorise la prise de décisions éclairées, tout comme les possibilités de voir les objectifs atteints. En cernant les principaux risques auxquels votre régime de retraite est exposé, vous aidez les décideurs à mieux comprendre la situation, ce qui entraîne une gestion plus efficace des risques qui autrement pourraient nuire à l’atteinte des objectifs en matière de capitalisation. En communiquant les aspects de votre politique de capitalisation aux participants du régime, vous leur permettez de mieux comprendre les nombreux éléments à prendre en considération relativement à la capitalisation de leur régime de retraite. De plus, cette mesure pourrait rassurer les participants, tout particulièrement en période d’incertitude économique : ils verraient ainsi que les risques auxquels le régime fait face sont gérés de façon prudente et que leurs rentes sont protégées.
Doit-on entamer dès maintenant l’élaboration d’une politique de capitalisation ou est-il préférable d’attendre de connaître le contenu exact des exigences de l’Ontario?
En ce qui a trait à la conformité, il n’est pas nécessaire d’établir dès maintenant la politique de capitalisation. Toutefois, si la consignation de votre approche en matière de capitalisation et de gestion des risques est déjà bien entamée (ou pas du tout), dites-vous que l’établissement de votre politique pourrait prendre du temps.
En ce qui a trait au contenu des exigences, le contenu obligatoire des politiques de capitalisation est similaire d’une juridiction à l’autre et reprend bon nombre des meilleures pratiques énoncées dans la Ligne directrice sur la politique de financement des régimes de retraite de l’Association canadienne des organismes de contrôle des régimes de retraite (ACOR) (Ligne directrice no 7)1. Par conséquent, le contenu des exigences ne risque pas d’être très différent au moment de la publication des règlements en Ontario.
Le moment pourrait être propice à la collecte de documents internes que vous pourriez déjà avoir élaborés et à l’examen de la Ligne directrice de l’ACOR. Il pourrait aussi être opportun de débuter le développement des pièces manquantes. En prenant une longueur d’avance, vous aurez l’occasion de rédiger un document bien structuré dont vous pourrez vous servir pour prendre des décisions cruciales en matière de capitalisation, surtout en cette période sans précédent que nous devons traverser.
1 En novembre 2020, une version à jour de la Ligne directrice de l’ACOR a été publiée à des fins de consultation par les intervenants du secteur. Les révisions provisoires reflètent l’évolution de la conception des régimes de retraite et les exigences législatives sur les normes minimales depuis la publication initiale de la Ligne directrice en 2011.
Ce numéro d’Insights a été préparé à des fins d’information générale uniquement et ne constitue pas un conseil professionnel. Si vous avez besoin de conseils professionnels sur la base du contenu de cet avis, veuillez contacter un consultant Eckler.