Pourquoi faire tout un plat du cannabis?

Pourquoi faire tout un plat du cannabis?


Par Karen Gleeson et Alyssa Hodder
Perspectives – Février 2019

Les opinions exprimées dans cet article sont celles des auteures et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de tout organisme, organisation, promoteur de régime ou entreprise.


Au cours de la dernière année, il y a eu beaucoup de discussions sur l’incidence qu’aurait la légalisation du cannabis sur le milieu de travail en général, et sur les programmes d’avantages sociaux en particulier. Mais en dépit de toute campagne médiatique, il ne s’agit pas vraiment d’un nouvel enjeu. Jetons donc un regard sur ce qui a changé, ce qui n’a pas changé du tout – et ce sur quoi les promoteurs de régimes devraient porter leur attention.

Ce qui n’a pas changé

Le cannabis a toujours existé. À tout le moins, depuis le troisième millénaire avant notre ère, et peut-être même avant cela! Saviez-vous que le Canada avait été le premier pays au monde à légaliser le cannabis à usage médical pour certaines maladies en 2001? Nous ne sommes pas les premiers à l’avoir fait pour le cannabis à usage récréatif, cependant – c’est l’Uruguay qui l’a fait en 2015, le Canada ayant suivi en 2018. Le fait est que nous avons dû composer avec le cannabis et ses effets dans le milieu de travail depuis looongtemps.

Le cannabis est relié aux régimes d’avantages sociaux depuis plusieurs années. Plusieurs promoteurs offrent des comptes de gestion de soins de santé (CGSS) dans le cadre de leurs régimes d’avantages sociaux, un outil qui permet une certaine souplesse dans la conception des régimes. Les participants peuvent demander le remboursement de toutes les dépenses de soins médicaux ou dentaires à partir du CGSS, tant qu’il s’agit de dépenses jugées admissibles par l’Agence du revenu du Canada – ce qui comprend le cannabis à usage médical depuis 2015. Cependant, la plupart des assureurs permettent au promoteur de choisir d’inclure ou non le cannabis à usage médical dans la définition des types de dépenses remboursables sous le compte de gestion de soins de santé.

Parce qu’un CGSS présente habituellement un plafond annuel fixe, par exemple 500 $ ou 1 000 $, le remboursement qu’un employé peut demander pour le cannabis à usage médical est limité au montant total du CGSS. En d’autres mots, si le cannabis à usage médical est remboursable en vertu d’un CGSS, le système comprend un plafond intégré – et les participants doivent toujours présenter une ordonnance médicale pour faire la demande de remboursement – de sorte que les promoteurs de régimes n’ont pas vraiment à s’inquiéter, puisque le coût de l’utilisation est limité. Bien que nous puissions voir un élargissement de la couverture du cannabis à usage médical dans les années à venir, le fait qu’il s’agisse d’une dépense admissible en vertu d’un CGSS n’est pas nouveau.

Le cannabis à usage médical et le cannabis à usage récréatif sont deux choses différentes. Cela peut sembler évident, mais il semble y avoir une tendance à relier les deux lorsque la question du cannabis est évoquée. Si vos employés veulent savoir s’ils peuvent demander le remboursement du cannabis à usage médical en vertu de leur régime d’avantages sociaux, c’est une chose. La question des facultés potentiellement affaiblies au travail en est une autre.

La question du cannabis à usage médical peut (et devrait) être traitée dans le cadre de la conception de votre régime d’avantages sociaux. En tant que promoteur de régime, vous devez examiner le libellé de votre régime en ce qui a trait à la définition d’un médicament sur ordonnance, à savoir s’il s’agit d’un produit portant un numéro d’identification du médicament (DIN) ou simplement d’un médicament sur ordonnance médicalement nécessaire. Un promoteur de régime a le droit de gérer ce qui est couvert ou non, dans la mesure où le libellé du régime est clair, juste et équitable.

Par contre, la question du cannabis à usage récréatif ne relève aucunement des avantages sociaux. Il s’agit d’un enjeu du milieu de travail, comme la consommation d’alcool, qui doit être traité dans le cadre des politiques et des procédures de votre entreprise. En tant que promoteur de régime, vous devez mettre en place des politiques complètes sur la consommation d’alcool et de drogues qui mettent l’accent sur le fait que les employés doivent être « aptes au service », et veiller à ce que ces politiques respectent d’abord et avant tout le critère d’exigence professionnelle justifiée.

Ce qui change, et pourquoi vous devriez vous y intéresser

Si ce n’est pas un nouvel enjeu, est-ce que cela signifie que les promoteurs de régimes peuvent tout simplement l’ignorer? (« Ne faites pas attention au cannabis caché derrière le rideau… »)

Pas vraiment. La légalisation du cannabis à usage médical et récréatif a attiré l’attention sur la façon dont le cannabis peut être utilisé pour traiter différentes affections. Il existe des données médicales démontrant que le cannabis est un traitement efficace pour la douleur neuropathique et la spasticité, par exemple, et cela pourrait n’être que la pointe de l’iceberg. Dans le futur, nous pourrions voir davantage d’applications pour le traitement de problèmes de santé mentale, de l’anxiété, des troubles du sommeil, et des troubles du stress post-traumatique. Il y aura probablement des pressions accrues de la part des employés pour que le cannabis soit remboursé par les régimes d’avantages sociaux, après qu’ils aient fait l’essai du cannabis à usage récréatif et obtenu des résultats positifs. En tant que promoteur de régime, il vous appartient de décider comment vous répondrez à ces attentes, mais vous devez quand même y réfléchir et vous préparer à y faire face.

Certains régimes d’avantages sociaux permettent déjà le remboursement du cannabis à usage médical en vertu du régime lui-même (et non seulement dans le cadre du CGSS) – et presque tous les grands assureurs ajoutent la couverture du cannabis à usage médical sous forme d’option dans leur offre de régimes. Dans la plupart des cas, cependant, un processus strict d’autorisation préalable est exigé, la couverture n’est reconnue que pour trois à cinq problèmes médicaux graves, avec un plafond annuel de 1 500 $ à 5 000 $, et pourrait entraîner une augmentation de prime au moment de l’ajout initial et un ajustement au moment du renouvellement, selon l’utilisation. Si votre régime de médicaments sur ordonnance couvre déjà le cannabis à usage médical, avec un plafond approprié, nous ne prévoyons pas d’impact majeur sur le coût global de votre régime à court terme. Cependant, cela pourrait facilement changer dans le futur, si d’autres affections sont couvertes.

Que dois-je faire maintenant?

Pour l’instant, réagir à la légalisation récente du cannabis à usage récréatif est probablement ce qu’il y a de plus pressant. Les promoteurs de régimes doivent donc mettre l’accent sur l’établissement de politiques appropriées qui en interdisent l’usage dans le milieu de travail et qui respectent les lois sur la santé et la sécurité au travail, de même que les lois sur les accommodements en milieu de travail et les droits de la personne. Il ne faudra qu’une erreur hautement malheureuse et publique pour faire comprendre aux promoteurs qu’ils auraient dû gérer ce risque plus tôt.

Lorsqu’il est question du cannabis au travail, la prévention est le meilleur remède. Assurez-vous que vos employés comprennent les règles et les attentes – du point de vue des ressources humaines comme du point de vue des avantages sociaux. Tenez-vous au courant de la recherche et de l’évolution des tendances, afin de connaître les faits et de comprendre vos options. Vous n’avez pas à adhérer à la folie du cannabis… mais vous voudrez avoir une documentation claire et communiquer efficacement avec les participants de votre régime pour vous assurer d’être protégé.


Ce bulletin a été préparé à des fins d’information générale seulement et ne constitue pas un conseil professionnel. Si vous avez besoin de conseils professionnels après avoir pris connaissance du contenu de ce bulletin, veuillez consulter un conseiller d’Eckler.