Réforme des règles de capitalisation des régimes de retraite en Colombie-Britannique
Communiqué spécial – 27 janvier 2020
Afin d’aider les promoteurs de régimes à mieux composer avec les pressions imposées par la faiblesse des taux d’intérêt et la volatilité des rendements des placements, tout en soutenant la viabilité à long terme des régimes de retraite et la sécurité des prestations dans la province, le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé* des modifications majeures aux exigences de capitalisation pour les régimes de retraite à prestations déterminées, avec effet le 31 décembre 2019. Bien qu’il y ait certaines différences notables, les changements viennent renforcer, comme ce fut le cas pour les législations au Québec, en Ontario et ailleurs, les exigences de capitalisation sur base de maintien du régime tout en réduisant les exigences de capitalisation sur base de solvabilité.
Il faut également souligner une nouvelle option pour les employeurs uniques qui souhaitent offrir un régime de retraite à prestations cibles à leurs employés. Précédemment, cette option n’était offerte que pour les régimes multi employeurs.
Dans l’Aperçu du Communiqué Spécial*, nous avons présenté brièvement les points saillants des changements. Ce Communiqué spécial examine les changements de façon plus approfondie, incluant les répercussions pour les promoteurs, les fiduciaires et les participants des régimes.
Règles de capitalisation pour les régimes à prestations déterminées
Les modifications aux règles de capitalisation pour les régimes à prestations déterminées entrent en vigueur pour les évaluations actuarielles avec une date d’évaluation le ou après le 31 décembre 2019 et comprennent notamment :
Réduction et simplification des exigences de capitalisation sur base de solvabilité
La capitalisation des déficits de solvabilité ne sera requise que si le ratio de solvabilité est inférieur à 85 %. Les exigences de cotisation mensuelle seront calculées sur base de « nouveau départ », en divisant le montant de tout déficit sous le seuil de 85 % par 60.
Auparavant, la même période de cinq ans s’appliquait pour la capitalisation des déficits de solvabilité, mais la capitalisation était requise jusqu’à un ratio de solvabilité de 100 %, et les paiements mensuels étaient calculés de façon à amortir le capital et les intérêts sur le solde décroissant du déficit. Les cédules d’amortissement étaient auparavant établies pour des périodes fixes de cinq ans à chacune des dates d’évaluation, alors que les nouvelles règles n’exigent plus le suivi des cédules de paiements restants des évaluations antérieures.
Commentaire : Ces mesures offriront un allégement aux promoteurs de régimes qui doivent présentement capitaliser des déficits de solvabilité malgré l’existence d’un excédent considérable sur base de maintien du régime. La réduction du fardeau des promoteurs de régimes se fait cependant au prix d’une réduction de la sécurité des prestations des participants si le promoteur devait ne plus être en mesure de soutenir le régime. Bien que d’autres provinces soient allées plus loin, la Colombie-Britannique est arrivée au même point d’équilibre entre les objectifs concurrents que l’Ontario, avec une cible de capitalisation à 85 % du déficit de solvabilité. Le Québec a entièrement éliminé les cibles de capitalisation des déficits de solvabilité pour les régimes regroupant des participants du Québec seulement et a adopté une cible de capitalisation de 75 % pour les régimes multi juridictionnels, le tout étant entré en vigueur le 1er janvier 2019.
En simplifiant le calcul de l’amortissement, les changements reconnaissent qu’il existe un élément de fausse précision dans la capitalisation sur une période fixe d’une mesure volatile de la position de liquidation hypothétique du régime à des dates d’évaluation périodiques. La plupart des provinces continuent de permettre la prise en compte de l’intérêt dans les calculs d’amortissement et n’adoptent pas l’approche de « nouveau départ ». À ce titre, le changement adopté par la C.-B. vient exacerber encore davantage les différences dans les exigences de capitalisation qui s’appliquent à travers le Canada pour les régimes de retraite à prestations déterminées.
La Colombie-Britannique avait dans le passé adopté des mesures temporaires d’allégement du déficit de solvabilité, afin de permettre aux régimes de consolider les déficits de solvabilité et de les capitaliser sur une période de dix ans au lieu de cinq ans. Ces mesures ont maintenant été retirées et les régimes qui les utilisent ne pourront plus le faire après leur première évaluation actuarielle faite en vertu des nouvelles règles de capitalisation. De plus, l’Autorité des services financiers de la Colombie-Britannique a déclaré qu’elle était peu susceptible d’approuver des demandes spéciales de prolongation de la période de paiement des déficits de solvabilité dans le futur.
Augmentation des cibles de capitalisation sur base de maintien du régime
La cible de capitalisation sur base de maintien du régime comprend maintenant une marge prescrite visant à réduire le risque de taux d’intérêt à long terme.
Cette marge, appelée « provision pour écarts défavorables » (PED), correspond au plus élevé de 5 % et de cinq fois un taux d’obligation à long terme du gouvernement du Canada (CANSIM Série V122544).
Pour les évaluations ayant une date d’effet du 31 décembre 2019, la PED est de
8,35 % (en supposant que l’allocation aux éléments d’actif à revenu non fixe est supérieure à 30 %).
Contrairement au Québec et à l’Ontario, la marge exigée en Colombie-Britannique ne dépend pas de la stratégie de placement du régime ou de sa maturité, tant et aussi longtemps que l’allocation aux éléments d’actif à revenu non fixe reste supérieure à 30 %. Lorsque l’allocation aux éléments d’actif à revenu non fixe est inférieure à 30 %, la PED est réduite de façon proportionnelle, mais reste assujettie au seuil de 5 %. La PED ne s’applique pas à toute portion du passif du régime assurée par achat de rentes.
La PED doit aussi être incluse dans le coût normal (c’est-à-dire les cotisations afférentes aux prestations constituées durant l’année), sauf si le ratio de capitalisation sur base de maintien du régime, incluant la PED, excède 105 %.
Commentaire : En période de faibles taux d’intérêt, le passif est généralement plus élevé, mais un pourcentage de marge plus faible sera appliqué que durant les périodes où les taux d’intérêt sont plus élevés. On peut donc s’attendre à ce que le passif total plus la marge soit plus stable face aux variations de taux d’intérêt.
L’impact pour un régime donné dépendra du niveau de cette marge par rapport aux autres marges existantes. Par exemple, plusieurs régimes disposent déjà d’une marge implicite intégrée dans leur passif sur base de maintien du régime, par le biais d’une réduction du taux d’actualisation selon la meilleure estimation de l’actuaire du taux de rendement futur des placements. Il pourrait être approprié d’examiner les politiques de financement du régime et de réduire ou d’éliminer les marges implicites existantes, compte tenu de l’introduction d’une marge explicite (la PED).
Consolidation des déficits sur base de maintien du régime et simplification des cotisations
Dans la foulée des changements apportés à la réglementation, tout déficit sur base de maintien du régime existant est considéré sur base de « nouveau départ » au moment de chaque évaluation, comme c’est le cas également pour les déficits sur base de solvabilité. En vertu des anciennes règles, toute cédule d’amortissement existante devait être reportée, et une nouvelle cédule était ajoutée pour les cotisations d’amortissement de tout nouveau déficit.
Le déficit consolidé sur base de maintien du régime, calculé en ajoutant la marge au passif, devra être capitalisé sur une période de dix ans au lieu de cinq ans. Les paiements mensuels requis seront calculés en divisant le déficit sur base de maintien du régime par 120.
Commentaire : L’approche du « nouveau départ » prolongera généralement la période sur laquelle les déficits sont capitalisés.
L’effet combiné de la réduction de la période d’amortissement de 15 à 10 ans et de la simplification du calcul en excluant l’intérêt dépendra de la façon dont les cotisations d’amortissement du déficit sont actuellement calculées.
Par exemple :
– En vertu des nouvelles règles, les cotisations mensuelles par tranche d’un million de dollars de déficit sont d’environ 8 300 $ (un million de dollars divisé par 120).
– Si, en vertu des anciennes règles, le régime A calculait ses cotisations au titre du déficit sur base de maintien du régime selon un montant fixe par mois, en utilisant un taux d’actualisation de 6 %, ceci se traduisait aussi par des cotisations d’environ 8 300 $ par mois par tranche d’un million de dollars de déficit (payé sur une période de 15 ans avec les intérêts, plutôt que sur une période de 10 ans sans intérêt). Le régime A ne verrait donc pas de changement important dans le montant de départ des cotisations mensuelles.
– Si, en vertu des anciennes règles, le régime B calculait ses cotisations au titre du déficit sur base de maintien du régime sur une période de 15 ans en pourcentage du salaire des participants actifs, en supposant un taux d’actualisation de 6 %, une progression salariale annuelle de 3 % et une population de participants actifs stable, les cotisations mensuelles se seraient élevées à environ 6 800 $ par tranche d’un million de dollars de déficit, au début, les paiements augmentant par la suite selon l’évolution des salaires. Le régime B verrait donc le montant initial de ses cotisations mensuelles augmenter de plus de 20 %.
– Si le passif non capitalisé devait augmenter au moment des évaluations futures, les exigences de paiement total seront en général moindres en vertu de l’approche du « nouveau départ ».
Restrictions sur l’utilisation des excédents
Les restrictions sur les améliorations de prestations, les congés de cotisation et le remboursement de l’excédent au promoteur du régime sont mises à jour afin de refléter les nouvelles exigences de capitalisation.
Notamment :
- Le surintendant peut refuser d’enregistrer une modification au régime lorsque celle-ci aurait pour effet de réduire le ratio de solvabilité du régime sous le seuil de 85 % (auparavant 90 %).
- Les seuils de capitalisation pour les congés de cotisation et les remboursements d’excédent au promoteur du régime demeurent identiques, à 105 % sur base de maintien du régime et à 100 % sur base de solvabilité, bien que le ratio de capitalisation sur base de maintien du régime doive maintenant inclure la PED. Il faut noter que le taux de capitalisation sur base de solvabilité doit être de 100 % pour qu’un congé de cotisation soit autorisé, malgré la réduction à 85 % du seuil de capitalisation sur base de solvabilité.
- Les conditions applicables aux comptes de réserve de solvabilité demeurent inchangées.
Les régimes à prestations cibles sont maintenant permis pour les employeurs uniques
Les régimes de retraite à prestations cibles assurent un coût fixe aux promoteurs de régimes, tout en ciblant un niveau déterminé de prestations pour les participants. Puisque les cotisations sont fixes, les rentes peuvent être réduites lorsque la situation se détériore ou augmentées lorsque les choses s’améliorent.
La Colombie-Britannique a déposé en 2016 des modifications législatives permettant aux régimes multi employeurs de convertir les régimes de retraite à prestations déterminées existants en régimes à prestations cibles, qui sont entièrement exemptés de la capitalisation des déficits de solvabilité.
Les changements qui sont entrés en vigueur le 31 décembre 2019 permettent à un employeur unique d’offrir un nouveau régime à prestations cibles à ses employés; il n’existe cependant pas de mécanisme permettant à un employeur unique de convertir un régime de retraite à prestations déterminées existant en un régime à prestations cibles.
Commentaire : Malgré les changements bienvenus apportés aux règles de capitalisation pour les régimes à prestations déterminées, il subsiste un risque que des cotisations importantes et imprévues surviennent. La possibilité d’offrir un régime à prestations cibles sera bien reçue par les promoteurs qui souhaitent offrir à leurs employés une plus grande certitude à propos de leur revenu de retraite futur que ce qu’ils obtiendraient sous un régime à cotisation déterminée ou un REER, mais sans le fardeau des exigences de capitalisation des régimes à prestations déterminées. En l’absence d’un mécanisme permettant la conversion des régimes à prestations déterminées d’employeurs uniques en régimes à prestations cibles, ce changement pourrait cependant n’avoir qu’un effet limité.
* en anglais seulement.
Le présent Communiqué spécial a été préparé à titre informatif seulement et ne constitue aucunement un avis professionnel. Veuillez communiquer avec un conseiller de chez Eckler si vous avez besoin d’un avis professionnel fondé sur le contenu du présent Communiqué spécial.